Télétravail et management: préserver le lien humain
Quand la recherche éclaire la pratique managériale.
Selon le prix Nobel d’économie (1974) Herbert Simon:
« Une organisation est bien davantage qu’un nœud de contrats. C’est un lieu qui donne un sens à la vie de ses membres, et non un espace où les peines qu’on subit sont simplement récompensées par un salaire. »
Dans un monde du travail transformé par le numérique et l’hybridation des modes de collaboration, une question essentielle demeure : comment préserver le lien humain au cœur de l’organisation ?
Une récente étude publiée en 2024 dans Management Revue par Liisa Mäkelä, Jussi Tanskanen, Samu Kemppinen, Aija Siiriäinen et Laura Urrila apporte un éclairage précieux : ce n’est pas la quantité de communication qui réduit la solitude au travail, mais la qualité des relations interpersonnelles.
Menée auprès de 1 600 employés d’une entreprise technologique, la recherche montre que les nouveaux collaborateurs en mode hybride se sentent souvent plus isolés que leurs collègues expérimentés. Ce constat met en lumière le rôle crucial du management relationnel — celui qui écoute, accompagne et crée du sens.
Chez EMIS Business School, nous partageons cette conviction : le management de demain ne se mesure pas seulement en indicateurs de performance, mais en qualité de lien, d’écoute et de réflexion partagée.
Le défi humain du travail hybride
Depuis la généralisation du télétravail, les entreprises redéfinissent leur manière de collaborer.
Mais si la technologie rapproche, elle peut aussi isoler. Les visioconférences remplacent les échanges informels, les messageries instantanées saturent les journées, et le sentiment d’appartenance se fragilise. L’étude de Mäkelä et al., montre que ce paradoxe est bien réel : les nouveaux employés en mode hybride se sentent plus seuls que leurs collègues expérimentés, malgré un volume élevé de communication.
Les chercheurs rappellent que la quantité d’interactions ne suffit pas à créer du lien.
Ce qui réduit la solitude au travail, c’est la qualité des relations humaines — la confiance, le soutien, et la reconnaissance.
Les échanges informels, souvent négligés, sont en réalité des espaces essentiels de socialisation, d’apprentissage et de cohésion. Ces moments “non productifs” en apparence sont, en pratique, les piliers invisibles du bien-être et de la performance collective.
Le rôle clé du management relationnel
L’étude souligne que les managers jouent un rôle déterminant dans cette dynamique.
Leur mission n’est plus seulement de coordonner les tâches, mais de tisser des liens :
- Les managers doivent intégrer des moments d’échanges informels (pendant ou hors des réunions) pour maintenir le lien social.
- Les programmes d’ « onboarding » doivent inclure des mentors ou “buddies” pour faciliter l’intégration en mode hybride.
- Il est recommandé de planifier les tâches des nouveaux employés de manière collaborative, afin d’éviter l’isolement lié à une autonomie excessive.
- Le rôle du superviseur est crucial : il doit assurer un suivi régulier, offrir du feedback et créer un espace de dialogue ouvert. • Enfin, favoriser une présence synchronisée au bureau renforce les interactions spontanées et la cohésion d’équipe.
Ces pratiques favorisent non seulement l’intégration, mais aussi la confiance et la loyauté au sein des équipes.
Ce que cela nous enseigne à EMIS
Chez EMIS Business School, nous croyons que le management ne s’apprend pas seulement dans les livres, mais dans l’expérience, la réflexion et la relation à l’autre.
L’alternance offre justement cet espace unique : agir, observer, analyser et apprendre à créer du sens dans chaque interaction professionnelle. Parce que dans un monde digitalisé et à l’ère du télétravail, les compétences les plus durables ne sont pas technologiques, mais humaines et réflexives.
Pour lire l’article:
Liisa Mäkelä, Jussi Tanskanen, Samu Kemppinen, Aija Siiriäinen, Laura Urrila. Determinants of Work Loneliness in Hybrid Work: A Comparison Study Between Newcomers and More Experienced Employees. Manag. Rev. 2024, 35(4), 469–502. https://doi.org/10.5771/0935-9915-2024-4-469